Allocutions & Discours

Discours prononcé par le Président de la Compagnie Régionale lors d’événements ou cérémonies. - seul le prononcé fait foi -

Voeux du président Olivier Arthaud, 8 janvier 2024

Chères Consœurs, Chers Confrères,

 

Je vous adresse mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année qui s’annonce complexe d’un point de vue économique.

Je souhaite, par ailleurs, partager avec vous un certain nombre d’enjeux et sujets d’actualité importants pour notre profession, et vous informer de toutes les actions mises en œuvre par vos élus du conseil régional de la CRCC qui s’impliquent à mes côtés.

Ces enjeux sont au nombre de 5 :

- Les enjeux ESG et le rapport durabilité

- La prévention des difficultés des entreprises

- La digitalisation et le risque Cyber

- L’attractivité et les liens avec les écoles et universités

- L’image de notre profession et nos liens avec l’écosystème 

 

1. Les enjeux ESG avec le rapport durabilité

Le premier sujet concerne la transposition en droit national de la directive CSRD et le rapport durabilité qui va concerner de nombreux groupes et de nombreuses entreprises dans les prochains mois.

La réglementation sur le sujet de l’ESG est contraignante et complexe, vous le savez. Depuis le 1er janvier 2024, la directive CSRD est entrée en application. Celle-ci, ambitieuse, prévoit un renforcement et une standardisation des obligations de reporting en s’appuyant sur des normes européennes harmonisées (les ESRS) afin de publier des informations détaillées sur les risques, opportunités et les impacts en lien avec les questions environnementales, sociales, sociétales et de gouvernance.

L’un des objectifs du législateur est notamment de lutter contre le greenwashing trop pratiqué par certains, en rendant obligatoire une information normée et contrôlée par un tiers indépendant. L’objectif ici n’est pas de sanctionner les mauvais élèves en matière de durabilité mais de les rendre plus visibles pour que les parties prenantes en tirent les conséquences adéquates. Celles-ci sont donc désormais au centre des préoccupations des entreprises et cela se formalisera à travers une matrice de matérialité et le principe de la double matérialité (sur les dimensions financière et d’impact). Il s’agit d’un changement de paradigme colossal qui va faire évoluer la stratégie des entreprises et leur business model.

Le calendrier de mise en œuvre du rapport durabilité est particulièrement court au regard de la complexité des normes ESRS, au nombre de 12 actuellement, et qui sont toujours en cours de rédaction. En effet, les sociétés cotées sur un marché réglementé et certaines EIP devront publier un rapport durabilité en lieu et place de la DPEF dès 2025, sur la base des comptes 2024. Ensuite, les groupes et entreprises dépassant 2 des 3 seuils suivants, 48 M€ de CA, 24 M€ de bilan, 250 salariés, devront publier un rapport durabilité dès 2026, sur la base des comptes 2025.

Nous devrons, en conséquence, identifier nos mandats concernés par ces obligations et alerter nos clients au plus tôt pour qu’ils puissent anticiper ces travaux particulièrement importants et respecter les délais imposés.

La bonne nouvelle dans cette révolution est que le commissaire aux comptes a été reconnu comme l’acteur principal et essentiel de la certification de ces données extra-financières aux côtés des autres organismes tiers indépendants (PSAI).

En effet, le rapport durabilité sera audité (avec une assurance limitée) par une personne physique inscrite sur une liste spécifique tenue par le H3C qui est devenu la Haute Autorité de l’Audit (le H2A) depuis le 1er janvier 2024. Pour être inscrit sur cette liste distincte, le commissaire aux comptes bénéficie de la clause dite « du grand-père » s’il est inscrit sur la liste prévue au L.822-1 du Code de commerce avant le 1er janvier 2026.  Cette clause du grand-père dispense le commissaire aux comptes de l’exécution d’un stage de 8 mois et de la réussite d’une épreuve en matière de durabilité. Elle sera applicable après avoir suivi une formation spécifique de 90 heures homologuées par la H2A. Cette formation comptera pour le respect de l’obligation de formation, de 120 h/3 ans, de chaque commissaire aux comptes. Elle est proposée par plusieurs organismes de formation habilités, comme CNCC Formation, APAVE ou encore l’AFNOR. Nous aurons donc un vaste choix nous permettant de nous former sur ces nouvelles missions qui s’ouvrent à nous.

Je suis intimement persuadé que les enjeux ESG et la réglementation qui s’installent vont entraîner une véritable révolution des modèles des entreprises et par voie de conséquence de notre métier. Il n’est pas à exclure que, dans les années à venir, l’extra-financier devienne aussi important dans notre mission que la partie financière. Le législateur nous a placé au centre du jeu en renforçant de fait notre mission au service de l’intérêt général sur des enjeux sociétaux en lien direct avec l’habitabilité de la planète pour nos enfants ! Ce n’est pas rien !

C’est dans notre intérêt, et même de notre devoir, de nous impliquer massivement sur ce sujet pour assurer l’avenir de notre profession en démontrant notre capacité à nous mobiliser à la hauteur des enjeux. Je compte donc sur vous pour vous former sur ces sujets au plus vite.

Enfin, il me semble important d’attirer l’attention de ceux qui se disent que leurs clients, étant en dessous des seuils indiqués précédemment, ne sont pas concernés par le sujet. C’est inexact, les groupes évoqués vont notamment devoir démontrer dans leur rapport durabilité une courbe de décarbonation de leur activité d’année en année conformément aux objectifs de l’UE. Ils feront nécessairement des bilans Carbone annuels. Or, la part prépondérante d’un bilan Carbone est généralement liée au scope 3, c’est-à-dire à l’impact des parties prenantes (fournisseurs, sous-traitants, transporteurs…). Les groupes vont naturellement demander à tous leurs partenaires, non seulement leur propre bilan Carbone, mais également de réaliser des efforts de décarbonation. Ce sujet va en conséquence devenir incontournable dans tous les appels d’offres et processus concurrentiels, quelle que soit la taille de l’entreprise. C’est donc de notre devoir d’en parler à nos clients et de les convaincre de la nécessité d’avancer sur ce sujet.

 

2. La prévention des difficultés des entreprises

Le second sujet d’actualité concerne la prévention des difficultés des entreprises. Au-delà du cycle de « 5 à 7 » réalisé en 2021 et 2022 avec le tribunal de commerce de Lyon (présentation des procédures, focus sur les procédures amiables et l’enchainement des procédures, le RJ et le plan de cession, et enfin la liquidation et les sanctions du dirigeant), nous avons organisé, le 14 décembre dernier, un colloque d’une journée sur cette thématique. En effet, le contexte économique actuel est particulièrement inquiétant et le nombre de défaillances a largement dépassé les chiffres de l’année 2019. Nous devons en conséquence être particulièrement vigilants sur nos mandats et ne pas hésiter à déclencher les procédures d’alertes adéquates, outils particulièrement efficaces pour emmener le plus tôt possible les entreprises sous protection du tribunal de commerce.

Le colloque organisé le 14 décembre en partenariat avec le Tribunal de Commerce a été l’occasion de rassembler l’ensemble de l’écosystème de la prévention et du restructuring de la place et de mettre le commissaire aux comptes au centre du dispositif.  

 

3. La digitalisation et le risque Cyber

La digitalisation croissante de l’économie transforme profondément notre manière de réaliser nos missions d’audit, nous obligeant à acquérir des compétences informatiques et à intégrer la connaissance des systèmes d’information dans la réalisation de nos diligences.

Ces évolutions nous conduisent également à intégrer de nouveaux outils et logiciels pour conduire nos missions avec efficacité. C’est dans cet esprit que nous avons créé un groupe de travail Digital composé d’élus de la CRCC dont le travail consiste à être en veille permanente des nouveaux outils à notre disposition, à les tester et à sélectionner ceux qui nous semblent le plus adaptés à nos besoins. Ces outils seront ensuite présentés à l’ensemble des confrères à travers des webinaires. A ce titre, nous avons prévu les présentations d’une sélection d’outils.

La digitalisation de l’économie a fait naître depuis quelques années un nouveau risque en termes de Cyber sécurité. Celui-ci s’est fortement accru post covid pour différentes raisons et est désormais au centre des préoccupations de toutes les entreprises. C’est pour cette raison que le commissaire aux comptes a un rôle essentiel à jouer sur ce sujet en alertant en permanence les entreprises, en évaluant leur exposition au risque et en donnant des avis et recommandations dans le même état d’esprit que ceux diffusés par l’ANSSI.

Nous avons organisé, au Campus du Numérique à Charbonnière, la matinale de la Cyber deux années consécutives, en juillet 2022 et juillet 2023, regroupant pour la dernière édition plus de 350 participants. Nous avons également réalisé un « 5 à 7 » coanimé avec l’ANSSI le lundi 27 novembre dernier.

 

4. L’attractivité et les liens avec les écoles et universités

Un enjeu que je souhaite également partager avec vous est celui de l’attractivité de notre profession. Nous nous rendons compte depuis quelques années maintenant que notre profession n’attire plus les jeunes, y compris ceux déjà engagés dans des études comptables et financières. Quand nous les interrogeons sur leur projet de carrière, ils répondent majoritairement vouloir se tourner vers le M&A, le Private Equity, la banque… et très peu vers l’audit. Force est de constater qu’à l’exception de quelques universités partenaires de la profession, le message véhiculé par le corps enseignant n’est pas toujours en notre faveur.

C’est face à ce constat que nous avons créé une Task force d’élus pour rencontrer une quinzaine d’établissements de la région afin de créer des partenariats, présenter la profession aux étudiants, intervenir à l’occasion de conférences ou même donner des cours. Nous sommes en effet persuadés qu’il est urgent de créer un lien direct avec les étudiants pour les convaincre que notre mission au service de l’intérêt général a beaucoup de sens au cœur de l’économie, de leur faire comprendre la diversité de nos modes d’exercices, les spécialisations possibles et la diversité des missions.

Nous vous présenterons un état des lieux de ces travaux aux prochaines UE, mais nous avons d’ores et déjà signé un partenariat (ou en cours de signature) avec les écoles suivantes : ESSCA, EM Lyon, ESDES, INSEEC, ICOF, Saint Thomas d’Aquin, La Martinière.

 

5. L’image de notre profession et les liens avec l’écosystème

L’image de notre profession, tant vis-à-vis des entreprises que de l’écosystème, est également un enjeu stratégique majeur. A cet effet, nous avons lancé, en partenariat avec Lyon 3, une étude relative à « l’Expectation Gap », autrement dit la différence entre la réalité de nos missions et l’attente des clients. Cette étude, réalisée sur plus de 250 entreprises ayant un CAC, nous permettra de mieux comprendre la perception que les entreprises ont de leur CAC et donc nos points forts et points faibles. Les résultats de cette étude vous seront présentés lors d’un « 5 à 7 » au cours de l’année 2024. Par ailleurs, le conseil régional a engagé un travail de fond visant à renforcer ses liens avec l’environnement économique et financier régional. 

Ainsi, grâce aux rencontres institutionnelles et évènements que la Compagnie régionale organise, la profession dans son ensemble est reconnue à sa juste valeur. Je peux citer par exemple les relations constructives que nous avons nouées avec le Tribunal de commerce, France Invest, les syndicats professionnels (MEDEF et CPME), la Banque de France, Lyon Place Financière, la Préfecture, le parquet financier, la brigade financière, l’Ordre des avocats, la Chambre des notaires, l’ordre des Experts-comptables…

C’est un travail entrepris depuis de nombreuses années qui porte ses résultats par la confiance qui nous est accordée et par nos partenaires qui répondent toujours présents aux évènements que nous organisons.

En conclusion, vous le savez, la profession renouvellera ses instances à l’automne prochain et nous vous appelons à vous mobiliser et aux plus jeunes à s’engager aux côtés des élus de la Compagnie Régionale.